mardi 3 février 2015

Apprendre aux enfants à prêter leurs jouets? une vrai bonne idée?

Faut il vraiment inciter nos enfants à prêter? 

Après la lecture d'un article sur ce thème je me suis rendue compte que j'étais un peu mal à l'aise avec cette notion de prêt. Je vais donc essayer de clarifier ma pensée, ce qui n'est pas facile car j'ai un peu perdu mon cerveau ces derniers temps....(bébé, nuits fragmentées, mini koala collé moi et siestes éclairs d'une demi heure en cause...)

Repartons donc du tout début, avec la définition de prêter...

Définition du verbe Prêter :
Mettre à la disposition de quelqu’un pour une période déterminé. 
Donner une chose sous condition que celui qui la reçoit la rendra.

Pourquoi cela nous parait il si important d'apprendre à nos enfants à prêter?

J'entends fréquemment qu'il faut que les enfants apprennent à prêter. Il semble qu'il soit de bon ton que notre enfant "prête" ses jeux, sous peine d'écoper de regards réprobateurs des autres parents, et des réflexions sur leur "mauvaise éducation" .
Le regard des autres, même si je pense m'en être affranchie est toujours pesant pour moi quand il s'agit de conflits liés au prêt.
C’est vrai que ça "la fout mal" quand son enfant se cramponne à un jouet en hurlant "c'est à moi!!" ou encore quand il se met à mordre un enfant qui veut lui "piquer" ...(oui c’est du vécu!!), ou quand il ne veut rien prêter des ses jouets aux invitées qui viennent à la maison (du vécu aussi)....
Ça nous parait donc important, certainement pour éviter ce genre de conflit. 

J'entends aussi souvent que "prêter c'est bien car il faut apprendre à partager". Ça nous parait important car nous avons conscience que notre société est trop individualiste et nous "souhaiterions" qu'il en soit autrement pour nos enfants...qu'ils vivent dans un monde plus altruiste, qu'ils soient capable de changer le monde...
Mais prêter est-ce partager?


Prêter est-ce partager? 

Définition du verbe partager 
Diviser en plusieurs part, avoir en commun. 

Prêter n'est donc pas partager au sens strict du terme. Quand on prête on "perd" momentanément l'objet en question.
Et l'on sait que l'enfant n'a pas de notion de temps. On peut penser que pour lui l'objet prêté est "perdu".
De plus prêter un objet ne signifie pas le partager , car on ne sépare pas l'objet en morceaux. 

De plus, si l'on peut prêter un jouet , on ne peu pas prêter un jeu.
Un jeu est une action, l'action de jouer ne peut être prêtée mais peut être commune à plusieurs personnes. On ne prête pas une action mais on la partage.
Si on ne peut pas prêter un jeu, on peut le partager et apprendre à jouer ensemble (le jeu collectif se développe tard) ou cote à cote pour les plus jeunes.

Il y a donc une différence entre prêter et partager car le premier peut se faire sans l'autre, alors que le deuxième ne peut se faire sans le premier.
Prêter est donc une action altruiste mais où finalement chacun est de son coté, tandis que partager est une action de communication et d’échange.

La valeur qui se cache derrière la notion de l'apprentissage du prêt et donc plutôt, une valeur de partage. Ce qui, pour moi, est une valeur importante.

Cette valeur de "partage" est basée sur la communication, l’échange, l'empathie, des particularités qui sont innées à l'être humain. Nous n'avons donc pas à les enseigner  mais à les entretenir et les développer, en veillant surtout a ne pas les corrompre par l'éducation.

"Apprendre" à partager plutôt qu'à prêter...

L'action de prêter est reliée au matériel. Partager est une action d'échange.
Je me dis que si on axe notre éducation sur la valeur "partage", nous pourrons arriver certainement assez facilement au "prêt". L'enfant étant dans une dynamique de partage de jeux va donc être "obligé" de prêter un jouet à un copain pour créer un jeu commun....
Je me dis qu'en passant d'abord par le "prêt" on empêche peut être le "partage". A être trop focalisés sur une conséquence on oublie la valeur première d’échange et de jouer ensemble. 


Est ce qu'on doit vraiment "apprendre" à l'enfant ?  Ne serait ce pas plutôt accompagner notre enfant dans le développement de cette valeur qui est déjà présente naturellement en lui? 
N'est ce pas nous, par notre (mauvais) exemple qui enseignons à nos enfants le sens de la propriété privée ?
Après tout, c'est nous qui aspirons à être propriétaire,  c'est nous qui achetons à outrance des objets dans cette société de consommation, c'est nous qui craignons de prêter un dvd ou un livre car nous plaçons l'objet sur un piédestal!!! c'est nous qui voulons tout : la tv, la machine à laver le linge, la perceuse... j'ai même grave kiffé d'avoir ma tronçonneuse à moi....Alors qu'on pourrait organiser une société differente : une machine à laver pour deux ou trois familles; un local commun pour les outils...c'est vrai on gagnerait de la place dans nos appartements!!

Jeremy Rifkin nous  rappelle dans son livre "La nouvelle société du cout marginal zéro" que l'être humain est bien plus social qu'individualiste: 
"Nous apprenons aujourd'hui que notre espèce est la plus sociale de toutes, car elle peut s'enorgueillir d'un néocortex très étendu et ultracomplexe. Les chercheurs en sciences cognitives nous disent que notre système nerveux a acquis une prédisposition à éprouver de la détresse empathique, et que notre survie évolutionniste a été due à notre sociabilité collective beaucoup plus qu'a nos penchants intéressés". 
Alors que les enfants sont naturellement enclin à l'empathie, nous, nous passons devant les SDF dans la rue avec un regard gêné...et si je donne une pièce, honnêtement, c'est pour me déculpabiliser de posséder autant...
Je demande à mon enfant de prêter les jeux de sa chambre mais suis je moi-même capable de m'imaginer inviter un SDF à prendre une douche chaude chez moi? non, j'aurais trop peur... Peur qu'il m'agresse, peur qu'il salisse, peur qu'il s'incruste, peur de me sentir obligée de prêter plus, de donner plus...peur de perdre...
N'est ce pas cette peur que nous transmettons, malgré nous, à nos enfants?

Nous sommes des animaux de communication, notre survie est profondément liée aux autres mais nous l'oublions dans cette société qu'est la notre, celle à laquelle nous participons par nos attitudes. Nous voulons peut être que nos enfants soient meilleurs que nous...construisent une société plus partageuse...mais nous leur envoyons le signal inverse. Nous voulons peut être nous dédouaner de notre responsabilité en leur demandant de "prêter", comme si c’était eux qu'il fallait changer et non nous, pour changer le monde.

Au final n'est ce pas nous et donc cette éducation qui pervertissons ce que naturellement les bébés, les enfants ont en eux?

En fonction de l’Éducation que l’on donne on développe plus ou moins (voir on les entrave) les qualités positives de l'être humain.
Encore faut il être conscient de ce que l'on transmet malgré soit, par nos attitudes par exemple...on peut bien souvent avoir un discours mais le démentir par nos actes...

Allons, revenons à nos moutons....

Le partage amène au prêt.


On peut avoir envie de prêter quelque chose afin de partager un jeu.
Personne ne peut nous forcer à avoir envie de partager, de communiquer....alors qu'on peut nous forcer à prêter.... C'est souvent le cas lorsqu'on insiste lourdement pour que l'enfant prête son jeu...ça m'est déjà arrivé surtout face aux regards extérieurs et à la peur du jugement. 
Insister pour que l'enfant prête  :
Bien sur je ne parle même pas des adultes qui forcent à prêter tel ou tel jouet....c'est bien sur loin de mes convictions et de mes pratiques....mais inciter un enfant, je l'ai déjà fait....et je me remets en question sur ce point. Car au final, inciter, vu le poids de l'adulte sur l'enfant, est déjà une violence.
Le prêt revêt alors une notion désagréable, de soumission et d'obéissance alors que le partage revêt une notion positive d’échange et du coup de richesse d'interaction.

-"allez, tu pourrais prêter quand même"

-"je te demande de prêter ce jouet maintenant, ça fait longtemps que tu joues avec, c'est chacun son tour"

Mais qui suis-je pour juger du temps nécessaire a tel ou tel jeu? l'enfant joue dans une dynamique dont la temporalité lui est propre....Le jeu est un acte sans temporalité, et vital aux apprentissages de cet enfant à ce moment, je pense que l'interrompre est une violence et une négation de ce besoin.

Mais que faire alors quand notre enfant veut le jouet d'un autre dans un espace public?

Ce n'est pas le jouet en lui-même qui attire un enfant mais plutôt l'utilisation qu'en fait l'autre. Le jouet perd du coup tout intérêt des qu'il atterri dans les mains de l'enfant qui le convoitait.
Peut être plutôt que d'apprendre à nos enfants à prêter nous pourrions leurs apprendre à respecter le jeux de l'autre?
Ainsi si mon enfant veut le jouet d'un autre je peux lui dire "machin joue avec, c'est un moment important pour lui, tu auras ce jeu quand il sera libre".

j'ai déjà eu ce genre de phrase pour mon fils, mais ce n'est pas facile de tenir quand on a en face un autre adulte qui dit à son enfant d'un air de reproche " tu pourrais prêter quand même". Cela disqualifie mon action. Il me faudrait alors expliquer à l'autre parent toute ma démarche  mais je ne le fais pas car je me "sens obligée" de faire de même avec mon fils comme pour "renvoyer l’ascenseur"....oui je sais c'est nase...

En insistant on encourage je pense, un effet contraire à celui escompté. Enfin si l'on veut que la finalité ne soit pas le prêt en lui même mais plutôt le partage.  Prêter à contre cœur n'est pas un enseignement positif à mon sens...



ok c'est bien tout ça...mais concrètement..qu’est ce que je vais faire du coup? 

Si je pars du principe que la notion sociale de "partage" dans le sens de communication est innée, j'ai pas grand chose à faire, à part "faire confiance" à l'empathie de mon enfant et surtout essayer de montrer l'exemple autant que possible, et verbaliser mes propres difficultés en ce domaine.

-Peut être juste de proposer de prêter? en essayant d'y mettre le moins d'affect possible.
-Demander à mon enfant de respecter le jeux de l'autre.
-Expliquer à mon entourage proche que je ne souhaite pas qu'on insiste pour que des jeux lui soit prêtés
-Prevenir mon enfant en amont:" nous allons dans un lieu où les jouets sont en communs, et où la règle est le partage des jouets et des jeux"
.Nous allons avoir des invités : "je te propose de ranger hors de portée ce que tu ne veux absolument pas prêter, pour le reste la règle est de prêter tes jouets et de partager tes jeux. comme moi je vais prêter mes assiettes et partager mon repas avec les parents de tes copains." (et donc être un exemple)
-Intervenir le moins possible une fois les règles édictées afin que les enfants s'auto-régulent et que l'adulte ne prennent pas une place d'arbitre qui peut bien souvent être vécue comme arbitraire et injuste.
-proposer un jouet du même type.
-écouter les sentiments de frustration, faire de l'écoute active (et donc ne pas avancer de solution ni de propositionsafin que les enfants trouvent eux même un terrain d'entente).
-arrêter de mettre la notion de prêt avant celle de partage.


articles pour reflechir :

http://bridoz.com/cette-mere-explique-parfaitement-pourquoi-elle-napprend-pas-le-partage-ses-enfants/

http://www.plurielles.fr/parents/fiche-pratique/mon-enfant-ne-veut-pas-preter-ses-jouets-que-faire-4811519-402.html

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